FRED FOREST-SOIREE NOMADE- FONDATION CARTIER
AU SUJET DE MON INTERVENTION A LA FONDATION CARTIER...
(Sur la photo de droite à gauche, Paul Ardenne, Fred Forest, Ruth Erickson, de dos face à eux Alain Seban, Président du Centre Georges Pompidou...)
Neuf extaits de vidéos historiques de Fred Forest sauvegardées par l'Ina ont été présentées à la Fondation Cartier pour l'art contemporain.
Tout d’abord, je remercie chaleureusement Ruth Erickson du Contemporary Art Institute of Boston, venue tout spécialement pour 48 heures des Etats Unis, ainsi que Paul Ardenne, pour avoir participé à la soirée Nomade que vient de me consacrer la Fondation Cartier et d’avoir ainsi contribué à son succès. Je remercie également toute l’équipe de la Fondation et son Président Alain Dominique Perrin, un de mes tous premiers collectionneurs, qui m’a soutenu continument depuis une trentaine d’années, palliant ainsi à la défaillances des institutions publiques à mon égard.
Je suis sensible également au fait qu’Alain Seban, Président du Centre Pompidou, se soit déplacé, lui-même en personne, pour assister à cette soirée, malgré les nombreuses contraintes inhérentes à sa charge et à priori sans préjugés en regard des conflits qui m’opposent depuis une bonne trentaine d’années à l’Institution qu’il dirige.
Cette soirée mérite de ma part d’être prolongée par quelques réflexions, sinon quelques explications. En effet, j’ai chaque fois dans les mêmes circonstances, vécu le sentiment de n’avoir pas dit, tout de l’essentiel de ce que j’avais à dire, et quelquefois d’avoir manqué de clarté dans mes propos.
Pour faire cesser ma frustration à ce sujet je reviendrai ici sur cinq points qui me semblent essentiels:
1- Le choix du programme de cette Soirée Nomade ayant appartenu entièrement aux organisateurs, j’ai du m’y conformer. Un programme fondé exclusivement sur la présentation de travaux désormais devenus historiques sauvegardés par l’Ina, datant d’une quarantaine d’années. Des travaux ayant du subir plusieurs reconversions de format (de la bande 1/2 pouce au Portapack Sony, à l’UMATIC puis... au numérique) des travaux qui ont du être stockés dans ma cave dans des conditions précaires des années durant dans l’indifférence des institutions Françaises. J’ai encore en mémoire une lettre de réponse à mes sollicitations d’Alfred Pacquement qui me disait ingénument que le Centre Pompidou “ n’avait pas vocation pour conserver les collections d’artistes “, alors que les deux responsables des arts technologiques en France, Christine Van Assche (Centre Pompidou) et Pascale Cassagneau (Ministère de la culture) manifestaient un silence assourdissant à mes appels à cette sauvegarde. On peut s’étonner que je rende public ici sans vergogne leurs noms. Cela ne participe aucunement à quelque esprit de revanche qui réponde à quoi que ce soit, mais à un juste retour des choses. Un retour des choses, sans ressentiment aucun, ni encore moins de haine. Les gens de pouvoir, qui avancent toujours masqués derrière leurs fonctions doivent assumer, à un moment ou un autre, leurs responsabilités.
Cette sauvegarde, je la dois à un seul individu, Gilbert Dutertre, et à lui seul, qui au sein de l'Ina s’est employé inlassablement à faire remonter l’information dans sa hiérarchie, jusqu’au moment où il a obtenu gain de cause auprès d’une direction particulièrement ouverte à l’époque, représentée par Emmanuel Hoog.
Toujours est-il que ces vieilles bandes en partie altérées que certains viennent de voir, représentent un passé historique qui ne me définit nullement. Elles représentent uniquement une époque de ma vie que j’ai laissée derrière moi depuis. Car m’a pratique artistique n’a eu de cesse de se développer en fonction des avancées technologiques comme l’a fait remarquer ici même Paul Ardenne. En conséquence, je considère que cette soirée est uniquement la première étape engagée par une institution importante de l’art contemporain à la reconnaissance d’un travail singulier. Etape, dont le relais doit être assuré maintenant par des institutions Françaises publiques, si ces dernières ne veulent pas courir le risque de voir ce travail leur échapper au bénéfice de l’étranger...
2- L’élément de langage que je retiens émis en premier sur mon travail par Paul Ardenne, puis repris par Ruth Erickson, c’est celui de la référence faite au web 2.0
Une référence dans laquelle je me retrouve entièrement, par exemple dans le dispositif original d’interaction, de communication, de participation et de simulation, mis en œuvre dans le projet présenté du Territoire du m2
http://webnetmuseum.org/html/fr/expo-retr-fredforest/actions/22_fr.htm#text
En effet mes actions participatives sont liées pour la plupart à la notion de réseaux, de mises en relation, de systèmes... dès 1977 et l’on pourrait dire, sans abus de langage, qu’il s’agissait là de FaceBook avant que FB n'existe..
3- La notion d’œuvre fut abordée par François Rabaté au cours de cette soirée. Cette notion d’œuvre telle qu’elle a prévalu des siècles durant, sans être encore totalement obsolète, est en passe d’ajustements drastiques. Est-ce que cette notion est encore pertinente quand elle ne se traduit que par des traces sous formes photographiques ou vidéographiques, ou de traces d’événements ponctuels ? Est-ce que les œuvres qui méritent encore ce nom, sont des objets concrets qui ne peuvent que s’incarner sous des formes dument “ objectales “ qu’on peut toucher par exemple de la main ? Certes oui à mes yeux,il ne faut surtout pas confondre le support avec le contenu symbolique qui est véhiculé par ce dernier. Léonard de Vinci disait déjà que l’art est "causa mentale " et vouloir nier cette idée serait nier l’existence même de l’Art conceptuel et, de surcroît, les formes d’art émergentes qui suivent les changements culturels de nos sociétés toujours vers une plus grande dématérialisation.
http://www.cuberevue.com/l-art-causa-mentale/1361
4- Autre élément de langage sur lequel j’aimerais revenir en prolongeant le point précédent, émis depuis la salle avec pertinence par Manuela Manzini: celui de "réactivation" pour redonner à des œuvres-traces leur moment premier d’authenticité en les rejouant en quelque sorte, ou en les faisant rejouer, comme l’a fait Marina Abramovic. Si nous imaginons traditionnellement et uniquement les œuvres d’art comme des objets physiques, qu’en est-il de la richesse immersive dans laquelle nous plonge un DVD de Bill Viola ou un roman de Stendhal, représenté par un paquet de feuilles de papier pesant 650 grammes ?
5- Dans cette manipulation de formes et de...traces pour produire du sens, l’artiste (fusse-t-il-de génie ;-) n’est pas seulement un animateur au sens courant du terme. ll est, avant tout, le créateur d’un dispositif original qui fait entrer (en les animant) les autres (dans le meilleur des cas...) dans son propre concept afin de contribuer à créer du sens avec eux.
CQFD
(Sur la photo de droite à gauche, Paul Ardenne, Fred Forest, Ruth Erickson, de dos face à eux Alain Seban Président du Centre Georges Pompidou...) Les neuf extaits vidéos historiques de Fred Forest sauvegardées par l'Ina, présentées à la Fondation Cartier pour l'art contemporain.
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