http://www.webnetmuseum.org/html/fr/expo_retr_fredforest/actions/13_fr.htm#text
5.
1975-LA
PRESENCE DE L'ABSENCE PAR PIERRE RESTANY
Exposition
organisée à l’EPAD/Défense en décembre
1975 par l’AICA (Association Internationale des critiques
d’art) où Restany, membre de cette association, invite
Fred Forest pour présenter " Restany dîne à
La Coupole ".
Ces expositions corporatives,
des tas de critiques qui invitent " leurs "
artistes, chacun pour soi et l’AICA pour tous- me laissent
un peu mal à l’aise. Il y a un côté gnan-gnan
et ron-ron à la fois : le patronage laïque. Par
ailleurs si je connais bien mes collègues et si je
suis sans illusions à leur égard, je me sens
entièrement solidaire de leurs problèmes. En
proie aux ultimes relents agressifs des ex-grandes galeries
déchues et accrochées au mythe éculé
d’une certaine école de Paris, en butte à l’expansionnisme
de la vague montante des militants politiquement conscients
et des théoriciens du concept, parfaitement autosuffisants--
la position de mes collègues, certes est ingrate, bien
que l’état qui entend désormais assumer ses
responsabilités promotionnelles à tous les échelons
de la créativité contemporaine, leur ouvre des
débouchés nouveaux : Beaubourg par ci, Beaux
Arts par là.
Il y avait longtemps en tout
cas que l’association française des critiques d’art
n’avait pas pris une initiative de cet ordre. J’ai tenu à
y participer, à travers ce que je considère
comme une réflexion sur moi-même. Réflexion
objectivée : les documents de Fred Forest exposés
dans les locaux de la galerie de l’EPAD sont extraits d’un
vidéo portrait d’un critique d’art Restany déjeunant
chez Fred Forest et dînant à la Coupole. La même
opération de nutrition dans deux contextes différents.
Dans le restaurant de Montparnasse, l’activité biologique
devient rite social. Les photogrammes de vidéo tape
fixent l’image fonctionnelle du critique. Le critique existe-t-il
en dehors de sa " fonction "? Redoutable
interrogation pour quelqu’un qui comme moi a identifié
une fois pour tout son métier à son genre de
vie...
En fait ces photos restituent
une image dédoublée de ma présence en
me fixant l’objectif du portapak a fixé ipso facto
la distance que je prends vis-à-vis de mon personnage
et plus encore, la distante que les autres prennent vis-à-vis
de moi. L’œil sociologique de Forest enregistre la présence
de mon absence. Ainsi en est-il de tout critique plongé
dans son milieu : éternel " côtoyeur " d’une
réalité insaisissable et fugace, l’art et ses
langages.
Pierre Restany, Paris décembre
1975
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