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XIIe
BIENNALE DE SÃO PAULO
OCTOBRE
1973
GRAND
PRIX DE LA COMMUNICATION DE LA XIIe BIENNALE POUR
UNE SÉRIE D'ACTIONS ET D'INSTALLATIONS
CONCEPT :
Il
faut resituer cette action dans le contexte des années
1973, où le Brésil est dirigé dune
main de fer par une junte militaire. La provocation de lartiste
consistera à vouloir, en utilisant les mass-media,
prétendre créer des " espaces "
de liberté dans la presse et de libre expression dans
la rue. Il se trouvera bien entendu très vite confronté
aux menaces brutales dun régime policier dont
il réussira, grâce à la complicité
active des journalistes brésiliens sur place, à
contourner les interdictions. Son statut, à la fois
dartiste invité et détranger, lui
conférant une certaine marge daction. Aidé
par les circonstances, il réussira ainsi à créer
un événement critique de dimension internationale,
relayé par les journaux du monde entier, mettant en
cause le régime politique militaire de lépoque.
Il faut noter là chez Forest, une fois de plus, un
sens inné de lévénement, sa parfaite
connaissance du fonctionnement et des
dysfonctionnements
des rouages de linformation, un moral, une énergie,
une radicalité, et une imagination pratique, rompus
à toute épreuve. Pour lui le " happening "
socio-politique comme la contestation nont de sens que
dans le relais de la grande information. Si par certains côtés
la pratique artistique de lart sociologique rejoint
la démarche dada ou situationniste, elle revêt
sur le terrain une tout autre dimension, de par sa confrontation
directe aux pouvoirs en place, comme de son retentissement
social à travers les relais de la grande information.
De fait, sa force et sa capacité critiques sont sans
commune mesure avec les propos édulcorés dartistes
tels que, par exemple, Buren ou Hans Haacke, dont le " militantisme "
de chambre, porté au pinacle par les milieux de lart
contemporain, ne sont en fait que simulacres et des thérapies
à usage interne destinées à leur donner
bonne conscience.
DISPOSITIF :
Implantation
dans l'espace de la Biennale d'une douzaine de lignes téléphoniques.
Les téléphones sont mis en scène sur
des socles blancs, disposés frontalement, face au public.
Le public prend connaissance des appels amplifiés sur
place. Ces appels continus émanent de tout le territoire
brésilien. Ils sont très nombreux. L'invitation
à la participation par le réseau téléphonique
est répétée tous les jours par les grands
journaux quotidiens ainsi que par les radios et la télévision
"O Globo". Les personnes qui appellent disposent de deux minutes
pleines pour passer leur message, diffusé par des haut-parleurs,
avant d'être coupés par un dispositif technique.
-
Série d'interventions de presse incitant le public
à rédiger des messages qui sont affichés
sur les cimaises de la Biennale, dès leur réception
postale.
-
Série d'émissions, T.V. et radio, réalisées
avec la critique d'art Aracy Amaral, proposant plusieurs actions
interactives en direct.
L'une
d'elles mobilisera plus de 300 taxis dans une course poursuite
à travers les rues de la ville...
-
Installation fixe réalisant "l'autopsie et l'analyse
électro-sociologique de la rue Augusta" en temps réel,
60 moniteurs de télévision installés
Galerie Portal, tandis qu'une caméra couvre en continu
la rue sur toute sa longueur, action dénommée
"petit musée de la consommation".
-
Série d'actions urbaines effectuées dans différents
lieux publics : supermarchés, stades, places publiques,
écoles de samba
La dernière de ces actions,
"le blanc envahit la ville", consiste à faire déplacer
dans le centre de São Paulo, brandissant des pancartes
blanches à bout de bras, une quinzaine de personnes.
Cette action réunit plusieurs milliers de curieux,
bloquant la circulation deux heures durant, se soldant finalement
par l'arrestation de Forest. Interrogé pendant dix
heures au siège du D.O.P.S. (Département de
la police politique), l'artiste sera relâché
après interventions conjointes des organisations de
la Biennale et de l'Ambassade de France.
Toutes
ces actions de Fred Forest doivent, pour prendre sens, être
replacées dans le contexte politique de l'époque.
Le
pays est dirigé par des militaires qui imposent depuis
plusieurs années un régime de répression.
Tout au long de son séjour l'artiste bénéficie
de la complicité active des journalistes d'opposition.
Le " prétexte " de l'art lui donnera
une liberté critique qui fera de lui l'artiste " contestataire "
de la Biennale, et en fera sa figure emblématique.
Deux ans plus tard, Forest renouvelle sa provocation. Sans
y être invité, il se rendra à la XIIIe
Biennale, où il créera une Biennale concurrente
de la Biennale officielle. Une manifestation parodique qui
obtiendra un énorme succès médiatique.
Cette Biennale, dite " Biennale de l'an 2000 ",
ayant pour objet de " singer " la première
et de procéder à son analyse critique.
BIBLIOGRAPHIE :
Catalogue
XIIe Biennale de São Paulo
Fondation
Biennale 1973, São Paulo.
" Fred
Forest arrêté au Brésil ", La
dépêche du Midi, 9 novembre 1973, Toulouse.
" Fred
Forest relâché par la police brésilienne ",
Le Progrès de Lyon, 9 novembre 1973,
Lyon.
" Des
artistes en vedette ", Tribune de Genève,
par Arnold Kohler, 9
novembre 1973, Genève.
" Le
Brésil n'apprécie pas l'art spontané ",
La Gazette de Lausanne, 9 novembre 1973, Lausanne.
" Art
in Brazil ", Hérald Tribune, 27 décembre
1973, Paris.
" O
branco invade a cidade ", Folha de São Paulo,
6 novembre 1973, São Paulo.
" Branco
invade São Paulo ", Jornal do Brazil, 8 novembre
1973, Rio de Janeiro.
" Fred
Forest faz passeata em favor da arte livre ", O
estado, 8 novembre 1973, São Paulo.
" O
communicador da bienal foi se explicar na police ",
Jornal da tarde, 7 novembre 1973,
São Paulo.
" Entre
na bienal pelo telefone ", Veja n° 267, 17
octobre 1973, São Paulo.
" Bisturi
na T.V. autopsia da rua Augusta ", Veja n°
276 décembre 1973, São
Paulo.
(Nombreux
autres articles à voir dans bibliographie générale.)
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