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PERFORMANCE
LE M2 ARTISIQUE INVISIBLE
MoMA
23 septembre 2011
L’information a été gardée jusqu’au jour donné dans le plus grand secret.
L’artiste Français Fred Forest, enfant terrible de l’art contemporain, (http://artforum.com/news/week=201103) expose au MoMA un M2 invisible. La mise en place
de l’œuvre réalisée par l’artiste lui-même s’effectuera le 23 septembre
prochain en hommage posthume à Pierre Restany.
L’heure de l’installation ne sera divulguée qu’à la dernière minute par flashsmob. L’œuvre en question, constituée par un champ de
fréquence de 20.000 Hertz, ne présente aucun risque pour la santé des
utilisateurs. Quatre émetteurs mobiles, équidistants d’un mètre sur un mètre,
seront mis en place. Cette œuvre présente par ailleurs l’intérêt d’être
déplaçable à des endroits différents du musée et cela sans encombre, par quatre
personnes de corpulence moyenne. L’œuvre elle même déplaçable à la demande des
visiteurs, pourra venir à eux selon leur parcours, pour ainsi dire à leur
rencontre selon un protocole simplifié. Sans pour autant à avoir à effectuer une
demande préalable auprès de l’administration du MoMA.
Les collectionneurs et les institutions intéressées pourront en pratiquer
l’expérience le jour du vernissage. Et faire l’acquisition de l’œuvre sur place,
pour un montant équivalent à « Kiss » de Tino Shehgal par
le MoMA, ou de « The situation » par le
Centre Pompidou, soit 100 .000 dollars, prix négocié + un dollar
supplémentaire. Ce dollar, en toute reconnissance de
la pratique de Fred Forest, qui présente une antériorité sur celle de Tino Sehgal. Ce que les historiens de l’art, forts de leur
savoir, sont censés ne pas ignorer.
L’initiative de
l’artiste répond favorablement au souffle d’un nouvel état d’esprit prospectif
qui anime les responsables du musée. Dont l’un d’eux, pour justifier de l’acquisition de l’@ et de The
Kiss de Tino Sehgal, a déclaré publiquement à qui veut l’entendre et sans
modestie aucune : “ While installations have for decades provided museums
with interesting challenges involving acquisition, storage, reproducibility,
authorship, maintenance, manufacture, context—even questions about the essence
of a work of art in itself—MoMA curators have recently ventured further; a good
example is the recent acquisition by the Department of Media and Performance
Art of Tino Sehgal’s performance the Kiss.
Nous réjouissons bien sûr avec Tino Sehgal et surtout de sa galeriste Marian Goodmann de cette initiative, d’un grand musée, comme
le MoMA, qui donne le bon exemple,
ouvrant le marché à d’autres formes de marchandises de natures
diversifiées.
Pourtant cinq types de remarques subsidiaires viennent à l’esprit :
La première : pourquoi donc le musés a-t-il attendu
près d’un demi-siècle pour faire entrer ce genre d’œuvres dans ses
collections ? Négligeant, durant plusieurs décennies, des œuvres
semblables, laissées pour compte, d’artistes pourtant déjà confirmés ? Est-ce
le poids de l’institution qui est la cause de ce retard considérable ?
Est-ce l’inertie des conservateurs eux mêmes ? ou, encore, leur manque de
curiosité, ou voir encore de leur
ignorance ?
- La seconde : pourquoi aujourd’hui
ce choix de Tino Sehgal, pour une
œuvre qui ne présente de surcroît aucun avantage d’antériorité dans ce
domaine ? et pourquoi pas celle
d’un autre artiste en ayant toute poids historique?
- Le troisième : au-delà d’une
position arbitraire, purement subjective, quels sont les critères
scientifiques du point de vue de l’histoire de l’art qui ont fait présider
à ce choix plutôt qu’à un autre ? ? ?
- La quatrième, quel a été le montant de cette
acquisition ? et comment il a été déterminé pour une œuvre spécifique
n’ayant encore aucune cote sur le marché de l’art ? Serait-ce donc
par une décision unilatérale des responsables du musée
qui, de fait, légitiment la marchandise par la caution qu’il lui
donne, en même temps qu’ils décident de son prix ? Etant juge et partie,
ne tombent-ils pas alors sous le coup la loi pour non respect des règles
déontologiques qui régissent les règles du commerce ?
Voilà autant de questions que soulève l’œuvre-système invisible sous forme du M2 invisible que vous pourrez tous venir
admirer au MoMA le 23 septembre prochain, et si vous
êtes jamais un collectionneur chevronnée avec un portefeuille bien garnie, vous pourrez en faire l’acquisition lors de
son déplacement pour la durée de votre itinéraire dans le musée.
Paola Antonelli Senior Curator in the Department of Architecture and Design
at the Museum of Modern Art New York (MoMA)°
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