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CONFERENCE/LECTURE
DE L’ART SOCIOLOGIQUE A L’ESTHETIQUE DE LA COMMUNICATION
MIT
(Massachusetts Institute of Technology) List Visual Arts Center
Cambridge, Mardi 20
Septembre, 2011, 6:30pm
Wiesner
Building E-15 Bartos
Theatre/lower
atrium level
20 Ames St., Cambridge, MA 02139
TRDUCTION : Ruth Erickson
De l’Art sociologique à l’Esthétique de la
communication
Deux
mouvements initiés par Fred Forest
-
pour l’art sociologique dès 1974 avec Hervé Fischer et Jean Paul Thenot dans le
cadre du collectif d’art sociologique
-
pour l’esthétique de la communication avec le Professeur Mario Costa des
universités de Salerne et de Naples
Ce qui
m'amène aujourd'hui à proposer les bases d'une nouvelle forme d'esthétique,
l'Esthétique de la Communication, c'est le constat d'un grand décalage entre
notre sensibilité d'homme engagé dans la société contemporaine et le discours
dominant sur l'art qui y règne. Il me semble, en effet, que la majeure partie
de la production artistique de notre temps telle qu'elle est inspirée par le
marché dans ses circuits institués n'est plus en adéquation avec la sensibilité
profonde des individus de notre époque. Cette production entièrement repliée
sur des systèmes de références qui la renvoient au passé ne constitue presque
jamais un langage spécifique au temps que nous vivons. Ce divorce est grave
dans la mesure où il démontre que la pression économique est capable de
susciter une production artistique étrangère aux préoccupations du temps;
générée de manière artificielle par le " système de l'art ".
L'Esthétique
de la Communication se positionne clairement sur ce terrain. Elle se situe au
delà du système marchand et institutionnel. L'Esthétique de la Communication
n'est pas une théorie philosophique du Beau, n'est pas une phénoménologie ou
une psychologie expérimentale des perceptions, et encore moins un discours
universitaire sur les Arts... Plus modestement, elle revendique le projet
d'appréhender ce qui constitue pour une société donnée (la nôtre) à un moment
donné de sa propre histoire, le monde qui lui est sensible. Selon l'étymologie,
le mot " esthétique " désigne une connaissance du sensible. Il ne
s'agit donc pas, pour nous, de disserter sur une catégorie abstraite. Il
s'agit, plutôt, de chercher à comprendre comment ce monde du sensible affecte
directement les individus que nous sommes. Même si nous n'en avons pas toujours
conscience, l'esthétique de notre temps est bien une esthétique qui relève
d'une sensibilité de communication. Un effort est nécessaire pour le constater
car le monde qui nous est propre est encore celui qu'une acculturation
millénaire nous a conditionnés à voir... Pour comprendre ce qui nous est
sensible aujourd'hui, une esthétique de tradition uniquement philosophique ne
suffit plus. Il faut procéder à un élargissement du champ. Il faut faire sauter
les verrous universitaires, ses spécialisations, ses cloisonnements.
L'Esthétique de la Communication telle que nous en esquissons les principes,
ici, s'efforce d'intégrer des données relevant de la philosophie mais également
des sciences humaines, des sciences exactes et de tout ce qui serait
susceptible, sciences ou non, d'apporter une connaissance à son objet qui est
le sensible. Nous vivons aujourd'hui dans un monde où tout est intimement
imbriqué, un monde dans lequel les phénomènes biologiques, psychologiques,
sociaux et environnementaux sont interdépendants. Pour tenter de toucher à la
" sphère " du sensible, il faut mettre en oeuvre une approche
systémique. L'optique discursive d'hier est incapable de nous satisfaire. Ce
qui se joue à l'heure actuelle, même si nous ne le percevons pas toujours,
c'est le renouvellement de notre concept de Réalité. A travers une modification
progressive de nos systèmes de valeurs, de nos systèmes de pensées, de nos
perceptions, nous passons sensiblement d'une vision mécaniste de la réalité à
une conception holistique. Le monde de la communication, la structure en
maillage des réseaux, des notions d'interactivité qui lui sont propres, nous
introduisent dans d'autres types de schèmes mentaux. L'Esthétique de la
Communication s'inscrit naturellement dans cette mouvance. Certains signes de
la sensibilité contemporaine témoignent d'une dimension de caractère
profondément spirituel. Les recherches les plus avancées en physique moderne réactivent
les contenus des traditions mystiques les plus anciennes. De plus en plus, la
notion d'objets séparés fait place dans notre conscience à une perception
globale. La culture, elle-même, selon la terminologie de Marshall McLuhan
devient une culture en mosaïque. Le rythme est plus important que l'objet qui
le produit. La réalité qui nous entoure est vécue comme une danse ponctuée par
des cycles d'informations. Dans certains moments de notre vie, particulièrement
riches, nous ressentons ce synchronisme qui nous met en harmonie avec
l'ensemble de l'univers. Comme si dans ces moments, précisément, toute forme de
séparation ou de fragmentation de notre conscience se trouvait miraculeusement
abolie. Selon Capra, " les parallèles entre science et mysticisme ne sont
pas limités à la physique moderne ; ils peuvent être étendus, avec le même
propos, à la nouvelle biologie systémique. Deux thèmes fondamentaux reviennent
constamment dans l'étude de la matière vivante et inorganique; on les retrouve
souvent dans les enseignements des mystiques: l'interconnexion et
l'interdépendance universelles de tous les phénomènes, et la nature
intrinsèquement dynamique de la réalité. L'idée des fluctuations considérées
comme la base de l'ordre, introduite par Prigogine dans la science moderne, est
l'un des thèmes principaux de tous les textes taoïstes.
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